Gaston Leroux et le secret de la vie éternelle

31/07/2015 08:14

C’est en 1923 que fut publié un des plus étranges romans de gaston leroux : la poupée sanglante—la machine à assassiner. Ce livre mérite une étude toute particulière. L’écrivain semble hanté ici par un des plus vieux mythes du monde : la légende selon laquelle certains alchimistes auraient été capables de fabriquer un être humain à partir d’argile rouge. Cet homme artificiel se rapproche considérablement de la légende de l’homoncule dont on a beaucoup parlé du moyen age à la renaissance.

Philippus aureolus theophratus paracelsus, autrement dit paracelse (1493-1541) donne la recette pour créer cet être artificiel :

«  renfermez pendant quarante jours, dans un alambic, de la liqueur spermatique d’homme; qu’elle s’y putréfie jusqu’à ce qu’elle commence à vivre et à se mouvoir, ce qui est facile de reconnaître. Après ce temps, il apparaîtra une forme semblable à celle d’un homme, mais transparente et presque sans substance. Si, après cela, on nourrit tous les jours ce jeune produit prudemment et soigneusement, avec du sang humain, et qu’on le conserve quarante semaines à la chaleur constamment égale à celle du ventre d’un cheval, ce produit deviendra vrai et vivant enfant, avec tous ses membres, comme celui qui est né de la femme, et seulement beaucoup plus petit. »

La poupee sanglante

Un bien singulier personnage apparaît : bénédict masson. Celui-ci est un petit relieur épris de la séduisante christine norbert qui, elle-même, est amoureuse de gabriel, une sorte d’homme artificiel ayant à la place des organes vitaux du corps humain, un complexe mécanisme d’horlogerie communément appelé par ses créateurs «  le mouvement perpétuel ».

Un peu plus loin dans le déroulement du récit, le pauvre bénédict masson se fera accuser du meurtre de sept femmes. Il sera jugé et guillotiné sans qu’il ait eu la moindre chance de prouver son innocence. Après le constat du décès le cerveau du pauvre bougre sera récupéré par le père et le fiancé de christine.

Gaston leroux récupère là, mais avec beaucoup plus de romantisme, l’archétype du livre de mary shelley publié en 1818, frankenstein ou le prométhée moderne, récit inspiré, comme par hasard de la vie de konrad dippel, un alchimiste allemand  (1673-1734 !) 

A l’origine de ces contes fantastiques se trouve le golem né de la tradition hébraïque. Cette légende, qui vit le jour en bohême et en lituanie, relate la fabrication d’une créature en argile, selon un rite kabbalistique bien particulier. Sur le front du golem figurent trois lettres de l’alphabet hébraïque : aleph, mem, thaw, qui forment le mot vérité.

Lorsque le golem échappe à son créateur, sa rapidité et sa force destructrice brutale contraignent le kabbaliste qui lui a donné la vie à le tuer. Il efface alors la lettre aleph inscrite sur le front de son entité, en laissant subsister que les deux autres lettres mem et thaw, qui signifient mort (il est mort).

Le monde d’aujourd’hui est souvent dirigé par des golems !

Hélas, nous ne pouvons plus effacer de leur front, le vital aleph !

relire les anciens textes

Au cours des siècles passés, de nombreux alchimistes se vantèrent de pouvoir réaliser des expériences de la palingénérie. Ils brûlaient une plante et, à partir de ses cendres, ils se disaient capables en réhabilitant sa forme spectrale, en quelque sorte, de reconstituer le règne végétal. On serait tenté d’interpréter de tels faits par la réalisation au cours de l’expérience bien connue, d’apparition évoquant le végétal vivant.

La quête de l’immortalité a été à la base des travaux « philosophals », comme elle a été la première préoccupation des adeptes de tous les temps.

Les secrets de la vie ont toujours passionné l’âme des alchimistes qui rêvaient d’égaler dieu. Perpétuer l’homme dans le temps et créer un être artificiel étaient deux de leurs principales discussions.

La poupée sanglante de gaston leroux s’inscrit dans une démarche identique.

Les adeptes adoptèrent comme symbole de la résurrection l’image du phénix. La cryonic moderne a d’ailleurs fait de même car, selon la légende, l’animal mythique, tous les mille ans, se consume et renaît de ses cendres.

Nota : selon certains alchimistes, le mutus liber, que détenait nicolas flamel, n’était rien d’autre que le tarot primitif. Dans rouletabille chez les bohémiens (chapitre xiv), gaston leroux précise : « le signe fatal, la croix et le croissant, le signe sacré fermait autrefois le livre ! »

Plus loin, l’auteur précise : « ce livre est la clef de tout…c’est par lui que tout arrive. »

Le grand isaac newton avait parfaitement compris les buts visés par les alchimistes tout au long des siècles, quand il affirmait dans une lettre de 1676 : » il d’autres secrets à côté de la transmutation des métaux et les grands maîtres y a sont seuls à les comprendre. »

Newton fréquentait les milieux rose+croix de son temps et n’ignorait rien des véritables recherches alchimiques.

la recherche de la verite

Les alchimistes occidentaux ont toujours affirmé que la recherche de la pierre philosophale destinée à la transmutation en or de métaux vulgaires était leur principale préoccupation. Mensonge sans doute !

Contrairement à ces derniers, leurs confrères chinois avouaient que leurs expériences visaient à découvrir les secrets de l’immortalité.

Dans les temps anciens, les adeptes du taoïsme avaient conçu l’idée que si certaines drogues écartaient la maladie, il devait être possible d’obtenir des composés plus puissants encore qui écarteraient la mort pendant des siècles.

Un fait divers, paru en 1939 dans le grand quotidien chinois te kung pao, concernait la réapparition à wang hsien, dans le szechuan, d’un homme né la dernière année du règne de ch’ien lung (1796), qui avait travaillé les derniers années du règne de son successeur  comme secrétaire d’armée dans la région du yang tse.

A l’âge de la retraite, il partit pour le tibet afin de cueillir des plantes médicinales. Après de longues années d’absence, on le porta disparu. Et voilà qu’a l’automne  1931, âgé par conséquent de cent trente cinq ans, il revint dans son district natal, où nombre de vieillards reconnurent en lui le disparu qu’ils avaient connu dans leur jeunesse. Ses cheveux grisonnaient un peu, mais il n’avait pour dire pas changé et paraissait n’avoir guère plus de cinquante ans.

Le ta kung pao publia une photo montrant un magistrat local en compagnie du vigoureux vieillard, puis celui-ci, quelques mois plus tard, repartit pour le tibet, et on ne le revit plus. Il aurait aujourd’hui 208 ans !

la galle du chêne mystere alchimique

Beaucoup de nos vieilles églises et anciennes chapelles ont recueilli des ex-voto qui ornent leurs murs chargés de prière. Ils sont autant de témoignage d’une foi pure et parfois naïve. Très souvent, on découvre, accrochés au pied de la vierge des vieux chapelets faits de grains gros comme des billes : des noix de galle.

Il existe un rapport symbolique entre la noix de galle et la vierge, qui n’a pas échappé aux alchimistes. Comme me le confia l’un d’eux pierre c…, la galle du chêne est le sujet de la science hermétique qui tend à découvrir le secret de l’immortalité.

Etudions le rapport étroit qui rattache la galle à la «  vierge ».

Les petits hyménoptères appelés cynipidés sont pratiquement  inconnus de tout un chacun, encore que tout le monde connaisse les tumeurs ou galles qu’ils déterminent dans les feuilles ou les bourgeons des arbres.

Toute bonne encyclopédie traitant des insectes nous dira que chez les cynipidés gallicoles (neuroterus lenticularis), l’espèce est représentée, au printemps par des femelles à reproduction virginale ; elles déposent leurs œufs sur des feuilles ou les chatons du chêne ; autour de ces œufs se forment des petites galles en forme de groseilles, à l’intérieur desquelles se développent des larves. Dans le courant de l’été naîtront des adultes mâles et femelles sexués. Celles-ci à la différence de leur mère sont incapables d’enfanter sans fécondation. Leur aspect est également tout autre, au point  qu’on a cru, pendant longtemps, que les deux générations de neutorus formaient deux espèces différentes et bien distinctes.

Après s’être accouplées, les femelles sexuées déposent leurs œufs sur la surface inférieure  des jeunes feuilles de chêne, où elles suscitent la formation de galles qui cette fois, présentent une forme de lentilles. Ces galles lenticulaires tomberont à terre, avec les feuilles mortes, pour passer l’hiver; il en sortira au printemps suivant, des femelles virginales analogues à celles dont nous sommes partis.

Ainsi chez les neuroterus, les femelles parthénogénétiques ont deux parents; les mâles et les femelles sexués n’en n’ont qu’un. Chaque génération ressemble non pas à celle qui l’a produite, mais à la précédente; les enfants ne ressemblent pas aux parents, mais aux grands parents : l’hérédité saute ainsi une génération.

D’autres cynipidés producteurs de galles se reproduisent uniquement selon le mode virginal, la génération sexuée ayant chez eux complètement disparue. Obligatoirement, la parthénogenèse donne des femelles.          

Le secret de l’immortalite

Nous l’avons appris maintenant, les galles sont dues à la ponte d’une petite guêpe. Cette ponte a lieu au mois d’août, sous signe astrologique du lion.

L’œuf parasite induit la formation d’une petite tumeur végétale qui protège et nourrit la larve. Cette larve possède de l’hémoglobine, la galle elle-même contient de la chlorophylle, de la lignine, des sucres et une bonne proportion de tanin (environ 10%).

L’observateur averti découvre rapidement que par sa forme globuleuse, la galle set bien le petit monde des alchimistes. De plus c’est la véritable synthèse du monde vivant : un microcosme, un petit univers complet et parfait. Par une sorte de miracle naturel, hémoglobine, chlorophylle, tanin, lignine et sucre voisinent dans ces petites sphères.

Las anciens alchimistes écrivaient toujours lion d’or avec un « l »  majuscule, alors que le lion vert et le lion rouge n’avaient droit qu’à une minuscule. L’allusion est très claire. Le lion vert et le lion rouge  sont soumis à la loi du lion jaune (d’or) du « vray lion ». 

Il nous reste à déterminer ce que cachaient ces trois termes. Le lion d’or, le lion rouge (voir figure).

Le lion vert, chacun le devine, est le phénomène de l’assimilation chlorophyllienne ou photosynthèse, alors que le lion rouge, qui est de même nature, mais à l’opposé est un phénomène hémoglobien.

Chimiquement, il est à noter que l’hémoglobine formée de quatre atomes d’azote (n) possède une liaison avec le fer. Ceci explique que certains chercheurs se polarisent sur la pierre métallique. De plus la chlorophylle de liaison magnésium (mg) est en cela identique, et nos deux substances, si elles ne sont pas directement magnétiques, ont quand même une qualité attractive. La photosynthèse absorbe les rayons solaires et l’hémoglobine permet la fixation de l’oxygène.

Les alchimistes, sages et érudits, connaissaient la nature exacte de la pierre végétale. Plusieurs adeptes n’ont rien ignoré de ce secret. C’est ainsi que bernard trévisan, né à padoue, en 1406 se mit à l’étude des sciences hermétiques à l’âge de quatorze ans et ne parvint au but qu’après soixante années d’efforts et d’épreuves.

Voici ce qu’il nous apprend dans son ouvrage la parole délaissée, de l’allégorie fameuse sur laquelle tant de front se sont penchés pour y pâlir dans des veilles innombrables : « il appert que ceste pierre est végétale, comme elle doit le doux esprit croissant du germe de la vigne, joinct en l’œuvre première au corps fixe blanchoyant, ainsi qu’il est dict au songe verd ; auquel après le texte d’alchymie, bien notablement est baillée la pratique de ceste pierre végétale, à ceux qui sagement scavent entre la vérité. » (la parole délaissée, dans trois traitez de la philosophie naturelle, paris jean sara, 1618, page 7)

La matière philosophale a le corps vert, nous enseigne fulcanelli, qui précise : « a byzance le monogramme du christ était peint en vert. La relation christ- roi-matière, est ainsi révélée dans toute sa splendeur. L’enfant roi que porte la vierge dans ses bras, tient lui aussi le symbole de la terre dans sa main gauche. La terre est représentée en vert.

Au moyen age, le vert était la couleur  des fous ! Dans une autre science du « codage », qu’est l’héraldisme, le vert se dit sinople, qui remonte au bas latin nionpis signifiant rouge et vert. »

 

Guy Tarade et Christophe Villa-Mélé©

 

Image :

https://web.stanford.edu/group/poeticthinking/cgi-bin/wordpress/wp-content/uploads/2013/11/do_you_really_want_immortality_by_chryssalis-d30m221-700x325.jpg