Hector Servadac au clair de la lune… a Montmartre le soir !

24/09/2015 09:45

Un des personnages d’Hector Servadac, Ben Zouf, nous entraîne sur des sentiers intéressants à plus d’un titre. Cette ordonnance « brosseur » possède un curieux surnom, car il se nomme en réalité « Laurent » ! Originaire de Montmartre, il est né entre la tour Solferino et le Moulin de la Galette. Curieusement sa jument a été baptisée « Galette ». Comme dirait l’autre, nous avons peut-être là du grain à moudre !

Dans les chapitres de ce livre le mot Montmartre revient plus de 20 fois ! Jules Verne nous met sur une piste, à nous de la suivre et de découvrir où elle nous conduit.

En ce début du 21ème siècle Montmartre a préservé son identité culturelle et artistique. Cet éternel village a accueilli les plus grands mouvements picturaux du 19ème et 20ème  siècle. Impressionnistes, Cubistes, Fauvistes, Futuristes  et surtout Surréalistes y ont vu le jour.

La Butte n’est plus ce poétique quartier que Charles Aznavour nous décrit dans sa poétique chanson « Coin de rue », mais elle reste un lieu de vie et de découvertes où des millions de visiteurs viennent déambuler chaque année. Ses ruelles typiques ont su garder un certain mystère et la nostalgie d’un temps qui n’est plus.

Francisque Poulbot, en 1929, mobilisa ses amis écrivains et artistes pour la sauver l’expansion immobilière. Ensemble, ils achetèrent un terrain municipal pour y planter quelques ceps de vigne. Il faut savoir qu’avec l’annexion de Montmartre à Paris en 1860, les vignobles disparurent peu à peu. Peu après les années 30, plus de trois mille plans de Thomery et trois plans de Morgon prirent racine sur cette colline sur laquelle Bacchus eut jadis un temple !

L’année suivante commencèrent les traditionnelles vendanges.

Si Montmartre est célèbre pour ses vignes et ses chansons, ce sont ses cabarets qui attireront notre attention… et celle de certains chercheurs.

Créé par Rodolphe Salis en 1881 Le Chat Noir fut le creuset de l’esprit montmartrois. D’abord installé au 84, boulevard Rochechouart, il déménagea en 1885 au 12, rue Laval, devenue aujourd’hui  la rue Victor Massé.

Au second Chat Noir, naquit le théâtre d’ombres, grâce aux peintres Henri rivière et Caran d’Ache. Une cinquantaine de pièces y furent représentées.

Le Lapin Agile 4, rue des Saules, est le seul survivant des cabarets de cette époque. En 1860, ce n’était qu’une guinguette « Au rendez-vous des voleurs », puis «  le Cabaret des Assassins » et enfin le célèbre Lapin Agile.          

La place Emile Goudeau, hier place Ravignan est toujours hantée par les ombres de Picasso, Pierre Mac Orlan, Max Jacob, Steinlen, Apollinaire et sa muse Marie Laurentin. Le Bateau-Lavoir a sombré dans les vagues du temps et plus personne ne sait que cet athanor de la création artistique se nomma d’abord la Maison du Trappeur. Au mois de mai 1970, un incendie détruisit ses vieilles pierres chargées de mémoire. Reconstruit sous l’égide de l’architecte Claude Charpentier, le Bateau-Lavoir est occupé aujourd’hui par des artistes étrangers.  

L’autre Montmartre

La silhouette fuyante de Toulouse-Lautrec ne se glisse plus dans les petites rues de Montmartre, mais certains de ses croquis nous livrent toujours d’étranges apparences en anamorphoses et en trompe l’œil qui évoquent une connaissance cachée.

L’érudit et initié Richard Khaitzine, dans son remarquable ouvrage «  La langue des Oiseaux-Quand ésotérisme et littérature se rencontrent » (Editions Dervy –1996), écrit :

« Au début de ce siècle (le 20ème), quatre écrivains célèbres et talentueux entreprirent la plus grande mystification littéraire de tous les temps et ce, afin de léguer un message vital à la postérité. Leurs noms ? Raymond Roussel, Alfred Jarry, Maurice Leblanc et Gaston Leroux. »

« Renouant avec leurs illustres prédécesseurs, Villon, Rabelais et Cyrano de Bergerac… ces auteurs tramèrent leurs œuvres à partir de canevas communs. Usant d’un procédé littéraire connu sous le nom de « langue des oiseaux », ils composèrent des textes se lisant à différents niveaux : historiques, politique, religieux et hermétique. Leur but ? Rompre le secret et propager la Connaissance. Leur espoir ? L’instauration d’une société plus juste. »     

NOTA : Dans notre livre « Arcane 10—Les secrets initiatiques de Rouletabille et Arsène Lupin—Editions OXUS--2004), nous avons levé un coin du voile qui dissimule encore les clés d’une connaissance cachée que se partageaient Gaston Leroux et Maurice Leblanc. 

Richard Khaitzine qui s’adressent à tous ceux « qui ne savent ni lire ni écrire, mais ne savent qu’épeler »…évoque le grand écrivain que fut Raymond Roussel (1877-1933). Admiré par les surréalistes en raison de son génie verbal, ce dernier publia son premier roman « La Doublure », à l’âge de vingt ans. Toute son œuvre fut éditée à compte d’auteur ! Suivirent : La Vue, Le Concert et la Source. Son récit « Impressions d’Afrique » parut en feuilleton avant d’être édité en 1910.

Raymond Roussel n’admettait aucune filiation littéraire, hormis celle de Jules Verne !

 En 1914, « Locus Solus » entraîna ses lecteurs dans un monde parallèle, ce qui fascina les surréalistes. « L’Etoile au front » (1924) et « La Poussière des Soleils », obtinrent un succès de scandale, auxquels collaboraient les surréalistes amis d’André Breton.

En 1932, ses « Nouvelles Impressions d’Afrique », une fable en vers paracheva de ruiner toute logique d’interprétation.

Peu de temps après, il mit fin à ses jours au grand hôtel des Palmes de Palerme, non sans avoir préalablement dévoilé le secret de son œuvre.          
(Comment j’ai écrit certains de mes livres), posthume—1935)     

L’hôtel des Palmes de Palerme a sans doute une affinité avec Palmyre, le héros de Jules Verne ! Autre signe de piste placée sur notre chemin par Raymond Roussel. 

Le nom de l’astronome du roman vernien, Palmyrin Rosette, évoque immédiatement Champollion. Verne a substitué la Syrie et l’Egypte, connues pour leurs astrologues…mais il nous suggère également que son récit comporte un cryptage à trois niveaux !  Cryptage que l’on retrouve à profusion dans les textes hermétiques et alchimiques. Fulcanelli, l’auteur du Mystère des Cathédrales, et Les Demeures Philosophales, dont les œuvres firent couler une marée d’encre, écrit dans ce dernier ouvrage :

« …beaucoup d’entre nous se souviennent du fameux Chat-Noir, qui eut tant de vogue sous la tutelle de Rodolphe Salis ; mais combien savent qu’un centre ésotérique et politique s’y dissimulait, quelle maçonnerie internationale se cachait  derrière l’enseigne du cabaret artistique ? D’un côté le talent d’une jeunesse fervente, idéaliste, faite d’esthètes  en quête de gloire, insouciante, aveugle, incapable de suspicion ; de l’autre les confidences d’une science mystérieuse, mêlées à l’obscure diplomatie… » 

Jules Verne appartenait à ce groupe très fermé d’auteurs « philosophes » qui véhiculaient dans leurs écrits la Gaye Science, celle que nos cerveaux rouillés ne savent plus décrypter !

Guy Tarade et Christophe Villa-Mélé©