Les Argonautes de Bugarach

06/03/2015 19:05

Le pimpant petit village de Bugarach, qu’administre avec beaucoup d’intelligence et de goût M. Jean-Pierre Delord, plonge ses racines aux sources d’un lointain passé. A plusieurs reprises, son nom a évolué.

 

En 889: Villa Bugario,

Bugaragium, en 1231,

Ecclesia de Burgairagio, en 1259,

Bugaragium, en 1347,

Sainte  Marie de Bigarach, de 1194 à 1500,

Locus de Brigaragio, en 1377,

Bugaraich, en 1594,

Beugarach, en 1647,

Bugarach, en 1781

 

Comme dans de nombreuses communes de France, l’église du village abrite des secrets bien gardés, masqués sous un manteau de lumière !

Notre-Dame de Bugarach est attestée depuis 1194 après la domination de l’abbaye dédiée au saint martyr évêque de Polycarpe (889) et avant l’assignat de l’héritier légitime de Pierre de Bézu, Pierre de Voisins (1231) qui fut à la tête de la commanderie à Campagne sur Aude.

Les seules parties de l’église actuelle qui peuvent être datées sont le clocher du XVI e siècle et la nef du XIX e siècle.

Ce sont les vitraux de ce saint lieu qui retiendront notre attention. Ils ont une singularité peu commune, car tous les saints qui y sont représentés sont anonymes. Ces derniers ont un corps, mais pas de visage ! Le nom du maître verrier qui les réalisa est ignoré !

Seulement deux panneaux ont été référencés par les Archives du département de l’Aude. Il s’agit de La Vierge

trônant avecl’Enfant Jésus et de Tobie et l’Ange. Curieusement, l’ange Raphaël, est représenté
comme un géant.

Il existe dans cette église un autre vitrail énigmatique, baptisé à tort par des chercheurs d’inconnu « Le vitrail Jules Verne »…Certains y voient la représentation symbolique du navire commandé par le capitaine Bugarach, dans le célèbre roman Clovis Dardentor, publié en 1896.

Tout amateur de symbolisme détaillera cette représentation avec beaucoup de minutie, elle le mérite.

Le sujet principal est un bateau à la voile déployée, dont le mat est surmonté d’une roue de fortune. Derrière la nef, on découvre un soleil levant et en haut et à gauche du vitrail figure un Lune décroissante. L’embarcation vogue et une ancre pend sur son côté droit. Ce détail a son importance, il signifie peut-être que les nautoniers se préparent à la larguer et à toucher terre…

Bien des anomalies se remarquent dans cette composition.

En symbolisme, la barque a une importance capitale.  Elle représente le moyen de se déplacer sur l’onde ou sur les ondes. Ici sa voile déployée est une image de vie. En effet, dans l’ancienne tradition, l’embarcation des morts était toujours allégorique, la voile était repliée, sans souffle ! Le soleil levant, qui figure derrière la nef, est un symbole de renaissance, la Lumière apparaît.

Ce n’est pas la barque de Caron qui vogue devant nous. Cette dernière ne va pas aux enfers, mais apporte le renouvellement de la vie et les Argonautes qui la pilotent sont invisibles ! L’ancre accrochée à son flanc, est l’image de la fermeté, de la solidité et de la fidélité. Elle illustre la partie stable de tout être, celle qui nous permet de garder une calme lucidité, c’est la clé de l’espérance.

Il ne faut cependant pas oublier que l’ancre est également l’emblème du conflit entre le solide et le liquide, de la terre et de l’eau. Elle arrête le mouvement de la vie, quand celui-ci devient tempétueux.

LA ROUE DE FORTUNE ET LA MANIVELLE : LA MAIN QUI VEUT

Il existe une certaine analogie entre la barque et la roue. Cette dernière indique le déplacement, de l’affranchissement des conditions de lieu, et de l’état spirituel qui leur est corrélatif.

Ici, la Roue de Fortune, dixième arcane majeur du Tarot, semble nous faire un clin d’œil. Maintenue par le sommet du mat du bateau, on y découvre deux personnages qui s’y agrippent. L’un monte, l’autre redescend.

Elle ne possède pas comme dans le jeu de Thot, Hermanubis et Typhon, ni le chien, ni le singe. Cependant ce qu’elle résume constitue tout un enseignement. Dotée de six rayons, le personnage qui se trouve à gauche, dans la portion descendante du volant, actionne une manivelle. Ici, il n’y a pas de fixité, symbole solaire, cette roue signifie au contraire l’instabilité permanente et l’éternel retour. Et nous repensons à la citation de Sébastien Brandt qui stipule :

 

Il n’est si grand empire

Sur notre vaste terre

Qui ne trouve sa fin

Quand son heure est venue.

 

Du point de vue de la Roue de Fortune, notre liberté dépend de notre capacité à déposer toute la lourdeur accumulée par les valeurs transmises de génération en génération, rarement validé par l’expérience et qui inhibent le cœur en l’empêchant d’agir spontanément.

La dixième lame du Tarot est une lame de transition.

Mais puisque nous nous sommes engagés sur le chemin de l’étrange et du mystère, peut être devons-nous avoir une démarche de pensée totalement différente, si nous désirons découvrir l’énigmatique rébus du Razès.

Réfléchissons un instant. Il n’est pas innocent que cette roue vienne après l’Hermite  et précède la Force, car le Bateleur, que nous sommes tous, doit effectuer son parcours initiatique sans besoin de quiconque.

En tant que chercheur de l’Impossible, devant ce rébus de verre, que constitue le vitrail de cette église de Bugarach, nous devons savoir que le chemin n’est pas terminé.

Cette illustration fait fonction de visa, c’est un laissez-passer témoignant que nous sommes sur la bonne voie…mais ce n’est qu’un passage !

Une roue c’est également un Moulin qui peut nous conduire à l’Hermite…Que ceux qui ont des yeux pour voir se penchent sur les cartes d’Etat-major…Ils deviendront peut être les Héritiers !     
Le nombre 10 est aussi le nombre de la spirale, c'est-à-dire un cercle qui change de plan. La Roue tourne soit. Mais elle ne tourne pas sur elle-même, à chaque nouveau tour, elle s’élève sur un plan supérieur. Dans un langage plus commun, en altitude ! La Roue de Fortune conduit vers un trésor, mais lequel, et d’où vient-il ?

LES SAINTS CEPHALOPHORES

Cette petite église oubliée conserve une particularité surprenante. Tous les personnages représentés sur les vitraux ont le contour du visage dessiné, sans que les yeux, le nez et la bouche n’apparaissent.

Comme on le conçoit, il est impossible d’identifier ces saints anonymes. ! Lorsque l’on veut  se renseigner sur cette incongruité auprès du diocèse de Carcassonne la réponse obtenue laisse dubitatif :

« Les archives diocésaines ne possèdent aucun documents sur l’église de Bugarach, ni sur les vitraux de cet édifice… »

Mieux, aux Archives départementales de l’Aude, il vous sera répondu : «  Les peintures des visages ont dû s’effacer avec les années… Ce « gommage » qui ne s’attaque qu’aux visages des saints représentés sur les vitraux, sans que le reste ne soit dégradé par le temps, à quelque chose d’étrange.

Il nous faut alors faire deux propositions pour résoudre ce mystère. La première touchera aux donateurs qui firent dresser ces verrières et qui peut être ne versèrent pas la somme convenue pour terminer l’œuvre…Souvent les petits nobles aimaient voir leur image s’afficher sur le chef d’un bienheureux. Les Maîtres verriers en représailles n’auraient pas accompli leurs vœux.

La seconde hypothèse nous amène à nous demander, si ces saints céphalophores,  qui ont eu la tête coupée, n’entrent pas dans un symbolisme légué par une confrérie religieuse locale. Cette dernière voulant enseigner que ce n’est pas par le mental que l’on gagne le ciel mais par la Voie du Cœur. Saint Denis est représenté sur un vitrail de l’église Saint-François-Xavier, dans la sacristie, tenant sa tête coupée entre ses mains, à l’endroit du cœur, tandis que les anges mettent à la place de sa tête un Soleil radiant. Il en est de même pour sainte Valérie représentée sur un vitrail de la cathédrale de Limoges, tenant dans un linge sa tête tranchée sur sa poitrine alors qu’un soleil rouge la remplace.

De telles représentations existent également dans le Berry et en Bretagne.

UN TRES ANCIEN MESSAGE

En octobre 1967, Madame Marie-Louise Durand faisait part à la Société d’Etudes scientifiques de l’Aude, de la découverte qu’elle venait de réaliser dans la salle basse de la dernière tour restante du château de Bugarach. Il s’agissait d’un ensemble de dessins datant du XIII e et XIV e siècle, qui étaient gravés légèrement en creux sur deux pierres d’angle d’une porte (0,73 x 0,35 et 0,30 X0,32). C’est dans les ruines d’une tour carrée, à quatre niveaux, sur le chaînage d’angle de la porte d’accès du second niveau (rez-de-chaussée) que se trouvent des graffitis qui ont été tracés à hauteur d’hommes.

Le dessin est composé de lignes et de points dans lesquelles on peut reconnaître quatre étoiles à cinq branches, dont deux sont pointées au centre, un svastika, deux ensembles constitués de réseaux de lignes qui s’entrecroisent et une croix aux branches recroisetées sur un demi-cercle orné de croix à branches égales : c’est une représentation de la domination sur le monde. On la retrouve sur la chapelle préromane de «  Quintillas de las Vinas » dans la province de Burgos en Espagne.

D’après les analyses que nous avons faites de ces graffitis, sur la copie du relevé à l’échelle originale qu’en a fait Jean-Pierre Sarret en 1967, nous laisse à penser que nous nous trouvons devant une sorte de carte sur laquelle serait matérialisé au sol, la projection de constellations et de repères astronomiques.

 

La scannérisation de ce document nous a révélé que ce dernier recèle un ensemble identique, sur le plan symbolique, au vitrail du bateau et de la Roue de Fortune de l’église de Bugarach.

Dans ce cas, nous pouvons admettre, qu’un trésor lié à une connaissance différente, a été amené dans la région par voie maritime. Après avoir été débarqué sur les côtes de la Méditerranée ou de l’Atlantique, il reposerait maintenant dans la région de Rennes le Château.


NOTA :
Dans « Croisade contre le Graal »-- Stock Editeur-1974-- (chapitre 3—Les fils de Bélissena), Otto Rahn écrit :

« Les fils de Bélissena ne s’étaient pas uniquement fixés dans le comté de Foix. On les rencontrait, en tant que vassaux et parents des comtes de Toulouse et des vicomtes de Carcassonne, dans tout le Languedoc : à Castres, Termès, Fanjeaux, Montréal, Saissac, Cab-Aret et Hautpoul. Les châteaux des sires de Saissac, Cab-Aret et Hautpoul, étaient cachés dans des forêts impénétrables de la montagne Noire, du haut de laquelle ils pouvaient apercevoir les cinquante tours de la cité de Carcassonne. 

A PROPOS DES GRAFFITIS DE BUGARACH

Des graffitis  découverts dans la salle basse du donjon de Bugarach nous interpellent, notamment une composition constituée de lignes et de points dans laquelle il est possible d’identifier  quatre étoiles à cinq branches, dont deux pointées au centre d’une svastika. Deux ensembles de lignes s’entrecroisent et une croix aux branche recroisées sur un demi-cercle orné de croix à branches égales : c’est une représentation de la domination du monde. On la retrouve sur la chapelle préromane de «  Quintillas de las Vinas » dans la province de Burgos en Espagne.

D’après les analyses que nous avons faites de ces graffitis, sur la copie du relevé à l’échelle originale, réalisé en 1967 par Jean-Pierre Sarret, nous avons la quasi certitude de nous trouver devant une carte sur laquelle serait matérialisée au sol, la projection de constellations et de repères astronomiques attestés par la présence de la Crux, la célèbre Croix du Sud qui ne peut être observée que de l’hémisphère sud.

La scannérisation de ce document nous a révélé que ce dernier recèle un ensemble identique, sur le plan symbolique, au vitrail du bateau et de la Roue de Fortune de l’église de Bugarach.

Ici, tout en restant très prudents, nous pouvons imaginer, qu’un trésor lié à  une connaissance « différente » , a été amené depuis une région située entre « Tanezrouft (territoire situé non loin du Hoggar et le Tassili du Hoggar, c'est-à-dire entre le Mali et le Niger), par voie maritime.

Une étoile à cinq branches, c'est-à-dire un pentagramme a été sculptée  dans l’église de Bugarach, à l’entrée de l’église, à l’intérieur au-dessus de la porte du lieu saint.   

Cette étoile à cinq branches est celles des Compagnons dont la mission est justement de voyager de chantier en chantier. Ce symbole pythagoricien voile dans son tracé bien des secrets. Mais comme l’a écrit William Shakespeare : « Souviens-toi qu’il y a entre le ciel et la terre plus de mystères que ta philosophie ne saurait en concevoir… »          
 

 Guy Tarade et Christophe Villa-Mélé©
Photos de la collection privée de Guy Tarade et Christophe Villa-Mélé

 

ANNEXE ET NOTES

 

*Les graffitis de Bugarach ont fait l’objet d’un relevé par Jean-Pierre Sarret en 1967. Ce dernier a été publié dans le Bulletin de la Société d’études Scientifiques de l’Aude. —T67. Page 30—1970

- Les Châteaux cathares et les autres, les cinquante châteaux des Hautes Corbières—René Quehen et Dominique Dieltiens—Documents : Archives départementales de l’Aude.

- Archéologie du Midi Médiéval—Tome 1—1983—Document : Archives départementale de l’Aude.           
- Les derniers gardiens du Graal, Guy TARADE – éditions Dervy – Paris 1993.

- Initiés Symbolisme et lieux magiques -  Guy Tarade—Editions Ramuel  - 2000.

- Arcane10, les secrets initiatiques de Rouletabille et Arsène Lupin, de Guy Tarade et Christophe Villa - Mélé publié aux Editions OXUS.- 2004

– Histoire générale de Languedoc de Dom Devic et Dom Vaissete - Tome IV, et Mémoires de la Société des Arts et des Sciences de Carcassonne – 3ème série – Tome III.

- Rennes le Château, étude critique - Franck Marie---Editions S.R.E.S - Vérités anciennes- 1978

- La résurrection du Grand Cocu - Franck Marie—Editions S.R.E.S - Vérités ancienne - 1981

– Le surprenant message de Jules Verne – Franck Marie – Editions S.R.E.S Vérités Anciennes - 1981 / et autres informations diverses.

- Dictionnaire encyclopédique de l’étrange des mythes et des légendes - Roger ANTONI - Edité par l’auteur – 2000.

- Dictionnaire des symboles - Jean Chevalier et Alain Gheerbrant---Collection Bouquins—Robert Laffont - 1982

- Dictionnaire initiatique, Hervé MASSON, éditions Pierre BELFOND dans la collection, Sciences secrètes – Paris 1970
- Les cahiers de l’Herne,  4e trimestre – 1974 -  l’éternel Adam et l’image des cycles par Jean ROUDAUT

 

Photos :

- Le vitrail au Navire et l’étoile de Vénus de l’église de Bugarach
par Franck Marie.

 

Nous remercions Mme Sylvie Caucanas de la direction des  Archives Départementales de l’Aude.