Les Indes noires - étude Critique

18/03/2017 11:26

Les secrets d’un monde underground et d’une œuvre fort troublante.

« Lorsqu’ils sont seuls dans leur nouveau cottage la vieille Madge et Simon Ford se racontent des histoires à faire frémir, histoires bien dignes d’enrichir la mythologie hyperboréenne. »-- Chapitre XIII

« Quoi qu’il en soit, il y avait là, dans le sous-sol écossais, une sorte de comté souterrain, auquel il ne manquait, pour être habitable, que les rayons du soleil, ou à son défaut, la clarté d’un astre spécial. » --Chapitre IX

Il existe une grande énigme des « Indes noires ». En 1878, Jules Verne et Hetzel se mettent subitement à échanger des clins d’œil par correspondance. Quelques mois auparavant, l’éditeur avait radié les premiers chapitres dans lesquels l’écrivain avait décrit à l’origine le songe futuriste de villes souterraines et surtout « d’une Angleterre souterraine ».

Que cachait cette correspondance codée ?

C’est peut être Francis Lacassin qui dans la revue EUROPE  novembre/décembre 1976—595/598, dans un article intitulé « Le communard qui écrivit trois romans de Jules Verne » qui va nous en livrer la clé.

Francis Lacassin écrit :

...Une allusion mystérieuse hante leurs lettres, hésitant entre le mot de passe des conjurations mystérieuses et le parfum surréaliste des phrases en italiques de Gaston Leroux.

Le roman de l’abbéce dernier mot étant toujours souligné, en signe de connivence—intervient dès le début de l’année. Dans une lettre adressée à Hetzel depuis où fait escale le Saint Michel III.

Qui est donc cet abbé en faveur duquel, de Paris à Amiens on conspire ; et dont le roman mal fait est devenu un roman bien fait, l’un des plus célèbre de Jules Verne ;

Il s’agit de l’abbé de Manas (Paschal GROUSSET de son vrai nom) face à sa situation cèdera à Hetzel moyennant une compensation financière « l’héritage de langevol » devenu Les cinq cents millions de la Bégum, « Le Diamant bleu » réintitulé « L’Etoile du Sud » puis en collaboration sous le pseudonyme d’André Laurie avec Jules Verne « L’épave du Cynthia ».

Francis Lacassin précise :

(…) L’abbé étant par charité clandestine le prête nom d’un criminel réfugié à Londres où il vit chichement grâce à la complicité de feuilles parisiennes qui insèrent ses correspondances signées d’un pseudonyme : Philippe DARYL. Les loisirs fanés de l’exil lui ont permis d’écrire en 1877, un roman pour lequel l’abbé Manas s’efforce de trouver un éditeur également complice (…) Un ancien dirigeant de la commune de Paris. « Un rouge » doublé d’un forçat évadé du bagne de Nouméa…

(…) L’obscurité et l’inexpérience du protégé de l’abbé dispensaient donc Hetzel non pas de scrupules mais des manœuvres propres à ménager l’amour-propre d’auteur. Trouvant l’idée de l’héritage de langevol bonne et l’exécution mauvaise, jugea  plus simple et plus sur d’en faire tirer une nouvelle mouture par un romancier expert. Quitte à intervenir—et il  le fera—dans le travail du dépanneur (…) Loin de s’offusquer du procédé, courant à l’époque, le protégé de l’abbé consentit à tout. Pour une bouchée de pain (1 500 francs environ).

Francis Lacassin va plus loin lorsqu’il  dévoile (Le communard qui écrivit trois romans de Jules Verne-Revue Europe novembre /décembre 1978—595/598 :

« André Laurie grand rivale de Jules Verne qui fait entrevoir les ruines de l’Atlantide aux hôtes du Nautilus, le traducteur de « Découverte mines du roi Salomon » (André Laurie n’hésite pas à ressusciter les civilisations disparues dans Atlantis, et Le secret du Mage (1890), Gérard et Colette (1897), l’invention du diamant synthétique dans Le Rubis du grand lama, ne constitue que le prélude à des audaces affranchies de toute vraisemblance scientifique (bien que le diamant synthétique ait été découvert depuis…)

Royaume souterrain hypothèse ou réalité ?

Avant d’aborder ce sujet crucial, revoyons le résumé des Indes noires.

Ce récit se déroule dans les houillères d’Aberfoyle dans le comté de Stirling en Ecosses, comme nous l’avons dit. James Starr, ingénieur et président des la société des antiquaires est convié à se rendre aux houillères d’Aberfoyle, fosse Dochard et puits Yarow dans son ancienne mine Dochart à une invitation secrète faisant suite à une première lettre anonyme pour une communication de nature à l’intéresser, c’est une seconde lettre contradictoire et toujours sans signature qui invite l’ingénieur  à finalement ne plus se déranger, celle-ci va plutôt attiser sa curiosité et décider James Starr à se rendre à la mine  d’Aberfoyle dont les gisements taris furent abandonnés depuis longtemps. On apprend dès les premières pages qu’une grande partie de la communauté qui y travaillait  s’y est installée pour y vivre.

C’est Henry Ford qui attendra James sur le quai de la gare, puis après avoir quitté Calander et traversé à pieds les pâturages de la basse Ecosse qui mènent aux mines de houillère d’Aberfoyle, de la basse Ecosse qui conduit aux houillères. Ils arrivent une heure plus tard à la fosse Dochart au puits Yarow. La transition va être fulgurante. Des vertes prairies, les héros vont se retrouver au fonds du puits où ils rencontreront Simon Ford, l’ancien contremaître de l’usine et un étrange personnage Jack Ryan un joueur de cornemuse. Souvenons-nous que l’Ecosse possède une tradition musicale très riche. La musique écossaise utilise une gamme à cinq tons (pentatonique) et des instruments celtiques qui comme les cornemuses transmettent de siècle en siècle l’âme et la mémoire des Anciens.

James Starr est alors guidé dans un obscur dédale de galerie « semblable à une nef de cathédrale » .

Cette aventure va conduire l’ingénieur à participer à une expérience menée par Simon Ford qui pense avoir découvert la preuve d’un nouveau gisement carbonifère  dans les bas fonds de la mine, là où ils vont dynamiter une paroi de schiste et découvrir une sombre cavité par laquelle ils vont s’introduire.

Ici, l’écrivain nous décrira « cette excavation se composant de plusieurs centaines d’alvéoles, de toutes formes et de toutes grandeurs. On eut dit une ruche, avec ses nombreux étages  de cellules, capricieusement disposées, mais une ruche construite sur une vaste échelle, et qui, au lieu d’abeilles, eut suffit à loger tous les ichtyosaures, les mégathériums et les ptérodactyles de l’époque géologique ! Un labyrinthe de galeries, les unes plus élevées que les plus hautes voûtes des cathédrales, les autres semblables à des contre nefs, rétrécies et tortueuses, celles-ci suivant la ligne horizontale, celles-là remontant ou descendant obliquement en toutes directions, --réunissaient ces cavités et laissait libre communication entre elles (les Indes noires, chapitre IX)

Par deux fois Jules verne fait allusion aux fameuses cathédrales qui furent construites à l’intérieur de certaines galeries de montagnes notamment dans le Verdon…

Plus précis, il ajoute : (…que le gisement de cette excavation se développait sur une étendue de quarante milles du nord au sud et qu’il s’enfonçait même sous le canal du nord. Puis poursuivant ajoute : (…on aurait pu croire à la découverte d’une exploitation abandonnée depuis des siècles, mais qu’il n’en était rien : » Nul hypogée de l’époque égyptienne, nulle catacombe n’auraient pu être comparées-si ce n’est les célèbres grottes de mammouths, qui sur une longueur de plus de vingt milles, comptent deux cent vingt six avenues, onze lacs, sept rivières, huit cataractes, trente deux puits insondables et cinquante sept dômes, dont quelques uns sont suspendus à plus de quatre cent cinquante pieds de hauteur. Ainsi ces grottes, la nouvelle Aberfoyle était, non l’œuvre des hommes, mais l’œuvre du créateur.)—Les Indes noires, chapitre IX).

De la fiction a la réalité : un exemple frappant

Nous avons évoqué plus haut les groupes secrets nazis qui travaillèrent sur l’Héritage des Ancêtres. 

 Très tôt, en Autriche, le Zillertal fut sérieusement prospecté.

Nous aborderons cette région, en empruntant la route qui traverse Fügen. Ce charmant petit village nous servira de camps de base avant d’atteindre la haute montagne.

Maintes fois chanté, le Zillertal, cette partie la plus importante de la vallée de l’Inn, s’étend jusqu’à Maryhofen. Là, il se scinde en « gründe », des gorges étroites qui conduisent dans le royaume des neiges éternelles et des glaciers dont les cimes rocheuses dépassent parfois  les 3 000 mètres.

Comme l’ont déclaré Künberger et Matternich, l’Autriche est une sorte d’Asie. Partout sur son territoire des montagnes vertigineuses et des grottes profondes accentuent cette ressemblance.

Le mythe de l’Agartha a enflammé bien des imaginations. Il est vrai que le monde souterrain, que la spéléologie, discipline assez récente nous révèle depuis une soixantaine d’année, est plein de secrets et de mystères.

Cependant, nous ne pouvons plus réfuter de nos jours la possibilité d’une occupation prolongée du monde underground. Notre civilisation moderne est en train de s’enterrer profondément.

Partout sur notre planète, les hommes ont aménagé le sous-sol pour les besoins techniques civils et militaires.

Toutes les grandes capitales ont leur métro. Les parkings souterrains à plusieurs étages trouent le sol des grandes villes comme des nids de rats. Les dispositifs de défense les plus sophistiqués et les mieux élaborés s’étalent à des centaines de mètres sous terre (voir la base 51 aux Etats-Unis). Chaque pays a dissimulé dans les entrailles du géon ses propres fusées à charges nucléaires à têtes multiples.

Alors pourquoi ne pas croire à un royaume de l’Agartha qui s’étendrait loin dans les entrailles de la planète, et dont les entrées secrètes existeraient sur les différents continents. Les nazis admettaient cette idée…

Si nous voulons découvrir un modèle parfait de ce que pourrait être l’Agartha, l’Autriche est à même de nous le fournir. La région de Salzbourg retiendra alors notre attention. Dans cette province, on a recensé depuis la fin de la dernière guerre mondiale plus de 500 grottes. A Golling, le vaste système souterrain est toujours prospecté. A Tantal l’exploration se poursuit et offre chaque année de nouvelles surprises.

Ce pendant si nous voulons aller vers le gigantisme et mettre en parallèle le monde souterrain évoqué par jules Verne et la réalité, ce sera la Grotte de Eiriesenwelt qui retiendra notre attention. Avec une longueur de 40 kilomètres, c’est la plus grande grotte glacière connue au monde. Sa partie antérieure  sur une longueur de 1 kilomètre est taillée dans la glace et présente un aspect féerique de glacier souterrain avec de magnifiques cascades  et des fissures de glace. Ce royaume enchanté peut se visiter tous les jours de mai en septembre. L’exploration dure deux heures, elle offre des perspectives impressionnantes sur la possibilité et la réalité d’un univers parallèle au notre.

Cavernes et grottes n’ont cessé d’exercer sur l’âme humaine, au cours des âges une profonde fascination, lancinante, concrétisée en d’innombrables légendes, contes et mythes.

A l’instar des héros des Indes noires, dès le néolithiques, les hommes ont cherché  un refuge au cœur  de la Grande Mère, la masse minérale, véritable matrice chaude et rassurante. Les cultes primitifs se déroulaient dans les avens. Ceux-ci puissamment magnétisés, ont conservé leur efficience envoûtante

Une cle du roman qui peut nous conduire très loin

Il serait sans doute trop simple de  croire que Jules Verne utilise dans son récit des éléments qui permettent à certains mythes et à d’anciennes légendes de perdurer dans les entrailles de la terre. Les chansons de son héros Jack Ryan portent à leur manière la mémoire de différentes superstitions. Ces dernières amplifieraient la crédulité de ses amis. Jack Ryan est un être simple qui sans arrière pensée déclare : « Et, au surplus, répétait-il, pourquoi se donner tant de mal pour expliquer une série de faits, qui s’expliquaient aisément par une intervention s’expliquent si aisément par une intervention surnaturelle des génies de la mine.

Cependant au cœur même de Coal-city va apparaître la véritable héroïne du roman : Nell, une jeune fille, qui cristallisera autour d’elle une ambiance quasi magique mais pas surnaturelle. Elle parle est le vieux gaélique, dont Simon Fort et les siens faisaient souvent usage. En Ecosse, la langue officielle est l’anglais, mais au moins 100 000 personnes, principalement dans les Highlands et aux Hébrides parlent le gaélique, le langage des temps anciens, celui qui véhicule la mémoire du passé. Ses racines semblent remonter à des époques reculées, au temps géologique de l’époque carbonifère, lorsqu’une grande partie du monde était recouverte d’une végétation luxuriante qui se dressait dans les marais et que des fougères géantes semblaient tutoyer le ciel. C’est cette végétation qui mourut et se retrouva sous l’eau. Sa décomposition végétale la transforma en charbon !

Les Indes noires constituent ainsi indirectement un voyage au centre du psychisme de Nell, tant cette dernière semble posséder en elle les explications aux nombreux événements fantastiques qui se déroulent à Coal-city. Nell est une énigme. Nul ne sait d’où elle vient ! Tout le monde ignore les mystérieux événements auxquels son enfance a été mêlée.

Comme l’auteur l’a désiré son roman nous induit à une véritable régression maternelle de la part d’un groupe d’homme qui ne veut travailler et vivre que dans le ventre de la terre, autrement dit le ventre de la Mère.

Le culte à la Grande Déesse semble renaître dans cet univers clos.

Danna, Anna, sainte Anne…la même Grande Déesse, la même Grande Mère, connue sous trois noms différents, mais presque toujours vénérées dans les cryptes ou les souterrains. On sent poindre dans ce roman de Jules Verne un retour aux sources.

Dans le monde d’en dessous des Indes noires, on redécouvre la tradition ésotérique, confirmée par de récentes études historiques sur les religions primitives, ainsi que sur des découvertes archéologiques, qui assimilent les Vierges Noires à la Grande Déesse, diversement nommée dans l’antiquité : Isis, Astarté, Ahherat, Déméter, Cybèle, Héra, Junon, Tara et Kali.

Le culte à la déesse dans l’évolution qu’il devait subir, fut étroitement relié au culte des morts.

C’est sur les rivages de la mer Caspienne que le culte de la Déesse s’affirma de plus en plus par la suite des temps.

Son extension occidentale prit la forme d’une tradition permanente. Il se perpétua selon toute apparence, sans passer par les stades solutréens et magdaléniens du Paléolithique.

Pendant la période du solutréen, le centre principal de ce culte se situait dans les montagnes du nord de la Hongrie. C’est là que l’on trouva sur les sites archéologiques, le plus grand nombre de statuettes correspondant à cette période.

Au néolithique, il semble que ce soit en Irak, dans la province de Mossoul que ce culte prit de l’ampleur. Au mois d’août 1977, une statue de femme en terre cuite, vieille de 40 siècles , symbolisant la déesse babylonienne « ACHATAR » (déesse du ciel) a été découverte par des archéologues irakiens, dans la région de Bagdad.

A l’âge du bronze, c’est en Inde, dans les régions montagneuses du Béloutchistan que le culte de la déesse a été le plus fervent. De nombreuses statues de « Vénus » retrouvées en ces lieux sont datées de moins 3 000 ans avant  Jésus-Christ.

Une rapide étude nous permet de comprendre que le culte à la Mère des premiers jours, se diffusa progressivement vers l’ouest. C’est ainsi que l’on le découvre dans la péninsule ibérique, dans la région d’Almeria, où de très nombreuses statuettes la représentant furent mises au jour. Elles reposaient sous des tombes et sous d’anciennes habitations mégalithiques.

Puis la diffusion du culte  remonta vers le Nord, à travers la France. La Bretagne devint une contrée de prédilection de son adoration. Il est aisé de deviner que depuis là, il migra vers le septentrion, l’Angleterre et l’Ecosse.

Un archétype permanent  semble inscrit dans nos gènes et ce dernier ramène toujours les êtres vers la vénération de la Grande Mère, pure synthétisions terrestre et cosmique des forces cachées de la création.

VOYAGE DANS LE MONDE DES SYMBOLES

L’écrivain semble beaucoup insister sur le fait que Jack RYAN est souvent comparé  à un lutin par ses amis et que les lutins et les génies qui vivent dans les abîmes de la houillère, reviennent souvent dans le roman notamment entre la fin du chapitre XIII et la suite.

Harry FORD alors qu’il descend le long d’une paroi de schiste, fera la découverte du corps inanimé, de « Nell » une jeune enfant d’environ quinze ans. En essayant de la remonter il se défendra de la main droite avec un poignard contre un  énorme volatile, dont VERNE nous dit qu’on ne pu reconnaître l’espèce, en fait c’est seulement à Harry FORD qu’il en veut. Une chose est certaine, les Indes noires sont l’illustration voyage au centre de la terre, et la jeune Nell l’enfant pure incarne Gaia, l’énorme volatile  évoquant lui son protecteur ou plutôt  sa protectrice !

« (…) Il fallait donc, sans perdre un instant, ramener cette pauvre petite créature à l’orifice du puits (…) » (Les Indes noires, chapitre XIV)

« Je le crois, répondit Harry. D’ailleurs, à cette époque, Nell, bien d’autres que toi ne quittaient jamais la mine. Les communications avec l’extérieur étaient difficiles, et j’ai connu plus d’un jeune garçon ou d’une jeune fille, qui, à ton âge, ignoraient encore tout ce que tu ignores des choses de là-haut ! Mais maintenant, en quelques minutes, le railway du grand tunnel nous transporte à la surface du comté. J’ai donc hâte, Neil, de t’entendre me dire : « Viens, Harry, mes yeux peuvent supporter la lumière du jour, et je veux voir le soleil ! Je veux voir l’œuvre de Dieu »

- Je te le dirai, Harry, répondit la jeune fille, avant peu, je l’espère. J’irai admirer avec toi ce monde extérieur, et cependant...

- Que veux-tu dire, Nell? demanda vivement Harry. Aurais-tu quelque regret d’avoir abandonné le sombre abîme dans lequel tu as vécu pendant les premières années de ta vie, et dont nous t’avons retirée presque morte ?

- Non, Harry, répondit Nell. Je pensais seulement que les ténèbres sont belles aussi. Si tu savais tout ce qu’y voient des yeux habitués à leur profondeur ! Il y a des ombres qui passent et qu’on aimerait à suivre dans leur vol ! Parfois ce sont des cercles qui s’entrecroisent devant le regard et dont on ne voudrait plus sortir ! Il existe, au fond de la houillère, des trous noirs, pleins de vagues lumières. Et puis, on entend des bruits qui vous parlent ! Vois-tu. Harry, il faut avoir vécu là pour comprendre ce que je ressens, ce que je ne puis t’exprimer

- Et tu n’avais pas peur, NeIl, quand tu étais seule?

- Harry, répondit la jeune fille, c’est quand j’étais seule que je n’avais pas peur ! »

La voix de Nell s’était légèrement altérée en prononçant ces paroles. Harry, cependant, crut devoir la presser un peu, et il dit :

- Mais on pouvait se perdre dans ces longues galeries. Nell. Ne craignais-tu donc pas de t’y égarer?

- Non, Harry. Je connaissais, depuis longtemps, tous les détours de la nouvelle houillère

- N’en sortais-tu pas quelquefois ?...

- Oui.., quelquefois... répondit en hésitant la jeune fille. »

(Les Indes noires, chapitre XV)

Nous voila en la présence insolite d’une jeune fille dont l’écrivain précisera que les yeux ne sont pas habitués au jour, qu’elle ignore tout du monde extérieur puisqu’elle est née dans les profondeurs de cet abîme, elle semble y être apparue un peu comme par enchantement et qui plus est, détentrice de quelques secrets qu’elle ne peut dévoiler.

Lors de sa première sortie à la découverte du monde extérieur, ce que verra la jeune Nell ce sera la lune et les étoiles. (Isis aussi était la maîtresse du monde sublunaire.)

Le pénitent

« Ce nom avait été toute une révélation pour le vieil overman (Simon FORD).  
C’était celui du dernier   « pénitent » de la fosse Dochart. Autrefois, avant l’invention de la lampe de sûreté, Simon Ford avait connu cet homme farouche, qui, au risque de sa vie, allait chaque jour provoquer les explosions partielles du grisou. Il avait vu cet être étrange, rôdant dans la mine, toujours accompagné d’un énorme harfang, sorte de chouette monstrueuse, qui l’aidait dans son périlleux métier en portant une mèche enflammée là où la main de Silfax ne pouvait atteindre. Un jour, ce vieillard avait disparu, et, en même temps que lui, une petite orpheline, née dans la mine et qui n’avait plus pour parent que lui, son arrière-grand-père. Cette enfant, évidemment, c’était Nell. Depuis quinze ans, tous deux auraient donc vécu dans quelque secret abîme, jusqu’au jour où Nell fut sauvée par Harry.  
Le vieil overman, en proie à la fois à un sentiment de pitié et de colère, communiqua à l’ingénieur et à son fils ce que la vue de ce nom de Silfax venait de lui révéler. Cela éclaircissait toute la situation. Silfax était l’être mystérieux vainement cherché dans les profondeurs de la Nouvelle Aberfoyle - Ainsi, vous l’avez connu, Simon ? demanda l’ingénieur. 
   
- Oui, en vérité, répondit l’overman. L’homme au harfang ! Il n’était déjà plus jeune. Il devait avoir quinze ou vingt ans de plus que moi. Une sorte de sauvage, qui ne frayait avec personne, qui passait pour ne craindre ni l’eau ni le feu ! C’était par goût qu’il avait choisi le métier de pénitent, dont peu se souciaient. Cette dangereuse profession avait dérangé ses idées. On le disait méchant, et il n’était peut-être que fou. Sa force était prodigieuse. Il connaissait la houillère comme pas un, - aussi bien que moi tout au moins. On lui accordait une certaine aisance. Ma foi, je le croyais mort depuis bien des années. »
(Les indes noires, chapitre XX) 

Silfax est toujours passé pour avoir la cervelle dérangée jadis il considérait que la fosse Dochart était la sienne. On va découvrir vers la fin de l’histoire que Nell est la petite fille de Silfax et qu’elle n’a jamais connue sa mère, qu’elle vécue quinze années avec lui au fond de la mine avec  le souvenir d’avoir eut pour nourrice une chèvre ? Et que son grand père possédait un animal farouche un harfang (une chouette blanche de grande taille qui vit dans les régions arctique) cet oiseau qui lui inspirait la répulsion fini par mieux lui obéir qu’à son maître.

La chouette était dans la mythologie grecque l’emblème de Minerve. Oiseau nocturne en relation avec la lune, elle ne supporte pas la lumière du soleil, mais voit dans la nuit la plus profonde les choses cachées…Elle est donc un symbole de connaissance. La chouette oiseau d’Athéna, symbolise la réflexion qui domine les ténèbres. Dans l’alphabet hiéroglyphique, la chouette représente la lettre « M » symbole de la Mère !

Cet ouvrage qui se nomme les Indes noires nous fait souvenir que jadis, en Inde, le nom qui désigne la chèvre signifie également non-né, elle est le symbole de la substance primordiale non manifestée. Elle est la Mère du Monde.

Dans l’initiation maçonnique  

L’initiation maçonnique au Premier Degré conduit l’impétrant dans le cabinet de réflexion. C’est une petite pièce généralement située en sous-sol, dont les murs sont peints en noir. Il y découvre se détachant en couleur argent l’image d’un sablier et d’une faux entrecroisées ; celle d’un coq qui surmonte l’inscription « Vigilance et Persévérance « ; on y trouve aussi la formule « V.I.T.R.I.O.L. » ; on y voit des tibias croisés et des larmes d’argent.

C’est dans cet espace réduit que le cherchant va vivre « sa mort initiatique ». Cette mort ne peut avoir lieu que dans les entrailles de la terre, Jung a noté que par sa mort initiatique, l’homme abordait la réintégration de la nuit cosmique. Comme l’a laissé deviner Jules Verne, toutes les traditions enseignent qu’il faut d’abord atteindre le fond de l’enfer pour pouvoir commencer l’ascension des mondes célestes ; on ne peut atteindre le ciel qu’en passant par l’enfer, en apportant ainsi la preuve que l’on est digne d’accéder à un monde supérieur.

Pour se régénérer, le futur F\M\doit descendre dans le monde souterrain. Là il trouvera le sujet primordial indiqué par les sept lettres V.I.T.R.I.O.L. (Visita Interioro Terrae Rectificando Invenis Occultum Lapidem) – « Visite l’intérieur de la Terre, et par purification tu trouveras la Pierre secrète. Formule alchimique entrouvrant la régénération de l’homme.

Toute initiation est un psychodrame. Par la descente aux enfers nous voulons découvrir la nature du feu secret des sages !

Plus tard, sur son long parcours initiatique, au XIIIe Degré, il redescendra une nouvelle fois dans un hypogée et là encore, après une transgression, il sera mis en face de forces qui le transmuteront. Puissances créatrices de l’univers interdites au commun des mortels…    

Nell

Sans beaucoup d’imagination nous pouvons admettre que Nell est loin d’être une naïve. Elle est ce « fantastique » que certains réfutent. Elle semble posséder en elle les explications aux nombreux événements incroyables qui se déroulent à Coal-city. Tout est mystérieux chez elle : qui est-elle ? d’où vient-elle ? Sans doute une sorte d’Isis matérialisée dont nul ne peut soulever le voile !

Le Femme, l’initiatrice maîtresse des secrets les plus intimes de la nature. Comme son ancêtre de la vallée du Nil, elle vit dans une caverne. C’est une sorte de Notre-Dame de Dessous Terre. Cette entité , que le populaire nomme en France  « Notre-Dame ». En Sicile, elle porte un nom plus expressif encore, celui de MATRICE, la MATRONE dans le sens primitif, mot qui, par corruption est devenu MADONE.

Notre civilisation patriarcale redevient matriarcale, en attendant que dans une fusion des corps et de l’esprit renaisse un androgynat qui apportera aux êtres et à la Nature l’équilibre qui à l’heure actuelle lui fait défaut.

Jean Cocteau a écrit : « La Nature se venge de l’homme qui la corrige ». Jules Verne et Hetzel nous ont laissé un autre message, clair, net et précis. A travers le roman qu’ils ont rédigé ensemble, les deux hommes nous ont avertis que les ressources naturelles ne sont pas intarissables. Pour eux l’avenir des réserves naturelles était un sujet d’inquiétude et d’une forme de pessimisme.Dès 1877, Jules Verne commence à prendre de plus en plus de recul face au progrès de la science et prend aussi conscience de l’appauvrissement  inéluctable de certaines ressources énergétiques sur terre. Les Indes noires en est d’ailleurs le plus parfait témoignage, lorsqu’il écrit :

« La houillère, épuisée était comme le cadavre d’un mastodonte de grandeur fantastique, auquel on a enlevé les divers organes de la vie et laissé seulement l’ossature. »

L’Ecosse, qui a subi, au cours des trois dernières décennies, une terrible crise industrielle, a vu ses anciennes industries, mines, charbon fer et sidérurgie victimes de leur vieillissement. Des ports vides, des cheminées mortes qui se dressent  comme des candélabres délabrés témoignent de ce drame.

Ce sont maintenant les gisements de pétrole et de gaz naturel  découverts vers les années 70 qui sont exploités. Mais pour combien de temps encore ?

Gaia, notre Mère est un être vivant. Elle s’autorégule. Si nous continuons à la profaner, à l’instar des houillères d’Aberfoyle, elle laissera les hommes sans ressources exploitables, alors une famine aujourd’hui impensable règnera sur le monde.

Cette vérité, Jules Verne la connaissait…

 

Guy Tarade et Christophe Villa-Mélé©